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 La résistance armée et non-armée 1944–1988

 

  

La résistance armée 

En juillet 1944, au moment de la deuxième occupation soviétique, des dizaines de milliers de patriotes lituaniens s’engagent pour une lutte inégale contre l’occupant. Entre 1944 et 1945, 30 000 partisans armés se sont ainsi réunis dans les forêts. Le but principal de cette résistance armée et inscrit dans de nombreux documents majeurs, était le rétablissement d’une Lituanie indépendante. Ces choix personnels de militants lituaniens à prendre les armes étaient déterminés pour plusieurs raisons : l’expérience de la première occupation soviétique et l’occupation nazie, le patriotisme, la terreur soviétique, l’enrôlement de force des jeunes dans l’armée soviétique alors que le front était proche. Ils avaient aussi l’espoir que les pays occidentaux tiendraient leurs promesses rédigées dans la Chartre de l’Atlantique et qu’à la fin de la guerre grâce à la diplomatie et à des conférences de la paix ils résoudraient la question de l’Etat lituanien. Par la suite, en pleine Guerre froide, ils espéraient encore l’intervention des pays occidentaux.   

En examinant les tactiques de lutte des partisans, les changements structuraux et organisationnels, la création d’une haute direction et les méthodes de destructions des organes répressifs d’occupation, on peut diviser la guerre des partisans en trois périodes: de l’été 1944 à l’été 1946, de l’été 1946 à la fin de l’année 1948 et de la fin 1948 au printemps 1953.   

La première période. Lors de cette période il faut encore distinguer la période de l’été 1944 au printemps 1945. Lors de la guerre entre l’URSS et l’Allemagne nazie, des hommes lituaniens se font enrôler de force de manière illégale (d’après la Convention de la Haye de 1907). Cela a entrainé la création de groupes de partisans de 200 à 300 combattants. Lors de cette période il y eu d’importantes batailles semblables à celles d’une guerre de positions : les partisans étaient capables d’affronter les forces ennemies, de tenir un certain temps des villes, des villages, les postes de détentions. Les villes abritaient des organisations clandestines actives.    

Dès l’automne 1944, des groupes de partisans ont commencé à se réunir et à former des groupements plus importants. On doit leur création à l’influence croissante de l’Armée pour la Liberté de la Lituanie (LLA) (Lietuvos Laisvės Armija), une organisation armée clandestine créée lors de l’occupation par l’Allemagne nazie, qui avait son propre programme, ses statuts, et sa structure organisationnelle. L’objectif implicite de cette organisation était le rétablissement de l’indépendance de la Lituanie. Les premiers districts de partisans sont créés sur le modèle des structures organisationnelles de la LLA, sur le principe district-compagnies-groupes. 

Jusqu’à l’automne 1946, 7 districts ont été créés (par la suite on en dénombrera 9): Vytis, Didžioji kova, Žemaičiai, Tauras, Vytautas, Dainava et Jungtinė Kęstučio (appelé à partir d’avril 1948 districts de Kęstutis). Entre 1947 et 1948 ont été créés les districts d’Algimantas et de Prisikėlimas. Un district était composé de 2 à 5 compagnies. La création des districts et des groupements inférieurs était dirigée par des officiers de l’armée lituanienne. L’activité de ces groupes de partisans était régie en suivant l’exemple de l’armée de Lituanie, c’est-à-dire règlementée par des statuts, des règles et ceux qui s’enrôlaient chez les partisans devaient faire serment, choisir un surnom et respecter la discipline[1]. Les partisans portaient des uniformes militaires avec leurs insignes.

A partir de 1945, l’occupant a proposé une «amnistie» pour les partisans qui se légalisaient et qui interrompaient leur lutte armée, et garantissait de leur pardonner pour «les fautes graves et les crimes contre la Patrie» [2]. De nombreux partisans qui se sont légalisés ont été par la suite enrôlés par les services secrets soviétiques pour être associés dans la lutte contre les partisans. Ceux qui refusaient de collaborer étaient alors jetés en prison ou déportés.

Au début de la guerre des partisans, le gouvernement soviétique a lancé des opérations militaires criminelles à grande échelle. Entre 1944 et 1945 dans toute la Lituanie, l’armée Tchékiste a tué environ 12 000 partisans et civils, ce qui représente plus de la moitié de tous les morts de la période de la guerre des partisans.

De 1945 à 1952, on dénombre de nombreuses déportations. Des familles entières ont été déportées, on ne prenait en compte ni l’âge ni la profession, ces familles étaient accusées d’avoir des liens avec les partisans et de désobéir à la collectivisation et à la soviétisation. Les déportations ont été organisées par les hauts dirigeants du parti communiste et les chefs du gouvernement administratif soviétique, elles ont été appliquées par des collaborateurs locaux avec l’aide des unités de l’armée soviétique réparties sur le territoire lituanien. Environ 130 000 lituaniens ont été déportés de Lituanie vers Irkoutsk, Krasnoïarsk, Tomsk, Komis, Bouriatie ou vers le Tadjikistan ou d’autres régions russes. 28 000 déportés périront pendant leur exil.

Photos des archives personnelles d’Henrikas Jatautis: «Henrikas en compagnie de Lituaniens détenus dans le camp de la région de Magadan entre 1956 et 1957», photos de la famille Salikliai de la région d’Irkoutsk conservées dans les archives personnelles de Danutė Rudzikienė: «Travail, apprentissage, mariage 1953-1957».

La deuxième période. C’est à cette période que les districts et les petites structures militaires de partisans se sont définitivement formés. En effet à partir de 1946, les districts se sont réunis en régions. La première région fut la région du Sud de la Lituanie (du Niémen) où se sont réunis les districts de Dainava et de Tauras. En 1947, a été créée la région des partisans de l’Est de la Lituanie où se sont réunis les districts de Vytautas, d’Algimantas, de Didžioji kova et de Vytis; en 1948, a été créée la région des partisans de l’Ouest de la Lituanie (de la Mer) où se sont réunis les districts de Žemaičiai, de Kęstutis et de Prisikėlimas.

Les relations entre partisans étaient possibles grâce à des agents de liaison. Les agents de liaison apportaient les documents et les revues aux responsables des unités. Les documents étaient bien entendu chiffrés et les lieux et les noms n’étaient pas mentionnés ; les chiffres et les pseudonymes étaient par ailleurs souvent modifiés. En cas de danger, les agents de liaisons avertissaient les combattants, apportaient les médicaments, recherchaient un médecin de confiance pour soigner les blessés, approvisionnaient en papier pour la fabrication des revues. Le plus souvent, les fonctions des agents de liaison, surtout pour les plus grandes unités étaient effectuées par des jeunes filles.

Photo issue des archives personnelles d’Henrikas Jatautas «Les partisans de l’unité de Plienas du district de Vytautas avec des jeunes filles assurant la liaison», liste des médicaments retrouvée dans la cachette d’Elė Radzevičiūtė, jeune fille assurant la liaison, dans la forêt de Trakas (1946-1974), conservée dans les archives personnelles d’Ona Nijolė Lepeškienė.

A cette période les services secrets du MGB appliquaient des modes opératoires intensifs, utilisant les réseaux d’agents et d’informateurs qui se développaient. Le fait que le réseau augmentait, permettait aux tchékistes de recevoir des informations précises pour les réutiliser et envoyaient alors des espions chez les partisans, puis des groupes d’assassins.

Les activités des partisans ont commencé à évoluer : ils ont acquis une expérience des systèmes de conspirations et de communications, ils ont développé leur système de bunkers, ils évitaient les fusillades ouvertes avec l’armée et ils organisaient le plus souvent des embuscades. Les actions militaires qu’ils menaient étaient le plus souvent organisées contre des institutions administratives des autorités d’occupation et ils résistaient sous diverses formes contre la soviétisation du pays en empêchant les élections et la création des kolkhozes, ils distribuaient également des revues et des tracts pour soutenir les instincts patriotiques des Lituaniens, ils luttaient contre les collaborateurs (dénonciateurs, agents, activistes soviétiques). Comme dans chaque guerre, même si les statuts régissaient l’organisation militaire et que les ordonnances des partisans interdisaient inconditionnellement les insubordinations des combattants, il y eu des cas de violences et d’arbitraires contre des civils. 

C’est à cette période que l’édition de la presse des partisans a pris son essor. Entre 1946 et 1947 dans presque chaque district, des unités d’information, de presse et de propagande furent créées. Pendant toute la période de la guerre des partisans, environ quatre-vingt revues ont ainsi perdurées plus ou moins longtemps. Au début, la plupart étaient imprimées à la machine à écrire avec un tirage de quelques centaines d’exemplaires maximum, par la suite, après l’acquisition de moyens d’impressions plus performants, les tirages ont augmenté pour atteindre presque 2000 exemplaires. Dans le district de « Kęstutis » la revue « Laisvės varpas » a été éditée 176 fois (la plus éditée de toutes les revues clandestines). La presse clandestine est ainsi devenue un moyen de lutte très important. Ainsi, les analyses sur la situation internationale étaient publiées dans les revues des partisans, la culture et les traditions étaient quant à elles mises en valeur. On y expliquait le caractère inhumain du système totalitaire, on incitait à ne pas oublier les valeurs spirituelles, l’histoire, à ne pas succomber à la propagande idéologique communiste. Les partisans voulaient ainsi développer l’amour de la Patrie, la citoyenneté, la morale. Ils souhaitaient laisser une trace dans l’Histoire de leurs combats et des crimes soviétiques. Outre les journaux, différents livres étaient également imprimés comme les chansons des partisans.  

Textes des chansons des combattants pour la liberté de la Lituanie, des prières antisoviétiques (1947 11–1951-08-23) conservés dans le fonds de Stasys Lozoraitis, chef de la diplomatie lituanienne (LCVA, f. 668, ap. 1, b. 556) ; conservé dans les archives personnelles de Nijolė Ona Lepeškienė un tract (article) intitulé « Lituanien, jette ton masque ! », dans lequel les Lituaniens sont appelés à boycotter les élections organisées par les autorités soviétiques.

Il était très important pour les partisans de nouer des relations avec les pays occidentaux et les organisations lituaniennes à l’étranger. Ils espéraient recevoir en retour des armes, des médicaments, des moyens de communication sans compter un soutien politique de l’Occident pour la diffusion des informations sur la guerre continue de la Lituanie contre l’occupant et du souhait de restituer l’Indépendance de la Lituanie. Les premiers représentants des partisans, Jurgis Krikščiūnas et Juozas Lukša, ont réussi à passer à l’Ouest au printemps 1947, et en décembre 1947 Kazimieras Pyplys et Juozas Lukša ont affronté le rideau de fer. Ils ont rapporté beaucoup de matériels documentaires sur les répressions perpétuées par le gouvernement soviétique en Lituanie, sur les combats pour l’indépendance ainsi qu’une lettre des catholiques de Lituanie adressée au Saint-Père, qui fut diffusée dans les pays occidentaux. Au bout d’un an et demi pour K. Pyplys, et de deux ans et demie pour J. Lukša, ils sont retournés en Lituanie.

Une partie des documents livrés en occident est gardée à la fondation du chef de la diplomatie lituanienne Stasys Lozoraitis des archives centrales de l’Etat de Lituanie, (f. 668) ap. 1, b. 553 « Listes des habitants lituaniens arrêtés et déportés et rédigée par les partisans de Lituanie » 1947-01-01–1947-12-31) ». Dans ce dossier, on trouve des listes faites par les partisans des districts de Dainava et de Tauras, où sont indiqués les habitants lituaniens situés dans les limites opérationnelles de ces districts et qui ont été assassinés, arrêtés ou déportés par le gouvernement soviétique. Dans les listes faites par le district de Dainava, sont inscrits les habitants d’Alytus, de Birštonas, de Daugai, de Druskininkai, de Jieznas, de Marcinkonys, de Merkinė, de Miroslavas, d’Onuškis, de Simnas de la région d’Alytus et de Leipalingis, de Sangrūda de la région de Lazdijai qui ont subi des répressions. Dans la liste du district de Tauras sont inscrits les habitants de Balbieriškis, Gudeliai, Kavarskas, Liubavas, Marijampolė de la région de Marijampolė, de Bartninkai, Alvitas, Gižai, Gražiškės, Keturvalakiai, Vilkaviškis de la région de Vilkaviškis et de la région de Šakiai. Est inscrit près de chaque nom le domicile, l’âge, la fonction, la date de répression, le lieu de détention, et dans certaines listes sont indiqués les noms des personnes mortes en prisons. Pour celles déportées il est indiqué qu’elles sont déportées en Sibérie. On trouve également des informations sur les fermes et les biens mobiliers confisqués par le gouvernement soviétique. Dans certaines listes sont inscrits les habitants ayant subi des répressions entre 1945 et 1946.   

Dans le fonds vidéo et audiovisuel des archives centrales de l’Etat de Lituanie sont conservées des photos représentant Juozas Lukša-Skirmantas, Juozas Šibaila-Merainis, Bronius Liesis-Naktis, Leonardas Grigonis-Užpalis, Adolfas Ramanauskas-Vanagas et d’autres partisans et agents de liaison, sur ces photos ont peut également voir l’activité des partisans, leurs armes, leurs moyens de communication, leurs moments d’entrainements, leurs rassemblements, leur vie quotidienne ainsi que des corps de partisans profanés par la répression soviétique et autres  : partisans du groupe de Vytautas de l’unité de Kazimieraitis réunis dans un rassemblement dans la forêt de Varėna le 23 avril 1948 passés en revue par le commandement du district de Dainava, activité au siège du district de Dainava le 6 juillet 1948, partisan anonyme en tenue de camouflage hivernale. Dans les archives personnelles d’Henrikas Jatautas sont conservées des photos des partisans de l’unité de Plienas du district de Vytautas en 1948, des photos de Juozas Petrauskas-Laimutis, chef de l’unité de Plienas et du partisan Stasys Mikelionis. Dans les archives personnelles de Danutė Rudzikienė sont conservées des photos des partisans armés Vytautas Kliokys-Jūreivis et Vytautas Saliklis-Eimutis de l’unité de Šarūnas. 

Lors de la troisième période, l’événement majeur fut le rassemblement de tous les commandants des partisans de Lituanie entre le 10 et le 20 février 1949, rassemblement qui a eu lieu non loin de la ville de Radviliškis, dans un bunker du siège du district de Prisikėlimas dans le village de Minaičiai. Lors de ce rassemblement il fut décidé de remplacer le mouvement général démocratique de résistance par le mouvement de lutte pour la liberté de la Lituanie (Lietuvos laisvės kovos sąjūdis LLKS). Ainsi les statuts du LLKS et d’autre documents ont été rédigés et approuvés lors de ce rassemblement qui ont permis de légitimer le Mouvement comme organisation dirigeant un combat politique et armé de libération du pays. Enfin la tactique du mouvement a été définie ainsi que le programme politique et idéologique du LLKS, la stratégie de combat et l’organisation. Le Conseil du Mouvement fut créé le 16 février 1949 par l’adoption d’une déclaration politique qui annonçait qu’après la restitution de l’indépendance de Lituanie, avant que le Parlement se réunisse, la fonction de Président de la République de Lituanie reviendrait au Président du Présidium du Conseil du LLKS, à qui reviendrait la charge de nommer un Gouvernement temporaire et d’organiser des élections démocratiques. Cette déclaration et la rédaction d’autres documents adoptés lors de ce rassemblement constitua le fonds juridique et politique de la résistance armée de la Lituanie qui permis un changement de nature des combats pour l’indépendance et la légitimité du LLKS comme organisation pour la résistance générale armée organisée contre l’occupation soviétique sous l’autorité de son Conseil comme seul gouvernement légitime sur le territoire de la Lituanie occupée.

Lors de ce rassemblement, il fut adopté également une décision du LLKS « Concernant les relations entre les combattants de la liberté et les habitants », « Un appel aux participants du mouvement et à tous les autres habitants du pays » du Conseil de Présidium de LLKS, la décision du Conseil de Présidium de LLKS « Concernant la partie de l‘activité publique et la presse de Mouvement ». Il a été décidé de publier la revue officielle du LLKS « Prie rymančio Rūpintojėlio ».

La résistance armée en Lituanie s’affaiblissait inévitablement en raison d’une base de soutient de plus en plus réduite (nombreuses déportations en cours), équipes d’assassins diminuant les rangs des partisans et devenant de plus en plus actives, sans compter le nombre croissant de trahisons. L’utilisation des partisans arrêtés et enrôlés de force créait par ailleurs une véritable atmosphère de méfiance.

La terreur instaurée à grande échelle par les occupants, les déportations, l’activité des espions, des équipes d’assassins, les opérations militaires-tchékistes et les nombreux morts des combattants pour la liberté ont définitivement broyé la résistance des partisans dans toute la Lituanie. En 1953, dans les forêts de Lituanie, il restait environ cent cinquante partisans isolés ou en petits groupes qui se cachaient et qui ont pu tenir encore quelques années. Le dernier partisan Kostas Liuberskis-Žvainys est mort le 2 octobre 1969.

La résistance armée qui a eu lieu en Lituanie, appelée aussi la guerre des partisans, est un phénomène exceptionnel dans l’histoire de la Lituanie, à la fois par sa durée (elle a duré presque dix ans) et par le nombre, les professions et l’âge des partisans. Pendant toute la période qu’aura durée cette résistance, on estime qu’il y a eu en tout environ 50 000 personnes dans les rangs des partisans et 100 000 personnes dans les rangs de la résistance (membres des organisations clandestines, soutiens). 20 500 partisans et soutiens y laisseront leur vie.

La résistance armée a prouvé que les notions de base des valeurs acquises lors de la Lituanie indépendante : la responsabilité personnelle pour l’état, son avenir, la sauvegarde de l’identité nationale, la résolution de la plupart des Lituaniens à combattre l’occupant ont montré que les priorités de cette nation n’étaient pas les biens personnels mais la restitution de l’Indépendance de l’Etat. La guerre des partisans a montré toute l’étendue de la cruauté des répressions et des crimes contre l’humanité du régime totalitaire soviétique. 

 

La résistance non-armée  

Alors que la résistance armée fut écrasée, il se développa une résistance non armée contre l’occupation soviétique. Plusieurs processus politiques ont eu une influence  sur le développement de la résistance non armée antisoviétique. Tout d’abord en 1956, avec le discours de Nikita Khrouchtchev, secrétaire général du Comité central du Parti communiste d’Union soviétique, qui lors du XXème congrès du Parti communiste dénonce le culte de Staline et les répressions (à la suite de ce congrès, les prisonniers politiques vont commencer à revenir en Lituanie). C’est aussi les événements en Hongrie et en Pologne en 1956, l’invasion par les Soviets de la Tchécoslovaquie en 1968 et « Le printemps de Prague », puis les événements en Pologne de 1980 à 1982 avec « Solidarnosc ». La résistance antisoviétique en Lituanie s’appuyait également sur les mouvements des dissidents pour les droits de l’homme qui commencèrent à se former en Union soviétique au milieu des années 1960.

Ce mouvement de résistance a aussi été renforcé par les médias internationaux dont l’écho atteignait les lituaniens enfermés derrière le « rideau de fer ». Ces informations étaient transmises par les radios « La Voix de l’Amérique », « Radio Free Europe » et la radio du Vatican qui contrebalançaient la propagande de la politique de l’Union soviétique transmise par les chaines officielles de l’Union soviétique, et entretenaient ainsi une opposition au régime. Cela a permis la rupture d’une isolation totale. 

 C’est dans les années 1970, que cette résistance non armée a acquis une forme organisée. La résistance a changé, les points de vue idéologiques et tactiques également. A quelques exceptions près, on peut distinguer des directions de la résistance non armée : religieuse, nationale et nationale-libérale.  

 

La résistance non-armée de la jeunesse antisoviétique

Dans les années 1950 à 1970, les jeunes représentaient l’une des parties les plus actives de la société avec un esprit critique contre le régime de l’Union soviétique. A cette époque, dans toute la Lituanie, aussi bien dans les grandes villes qu’en province, des groupes et des organisations antisoviétiques clandestines de jeunes et d’élèves se sont ainsi créés. On devait alors adhérer à certaines organisations qui avaient leurs propres statuts approuvés, leur programme défini, et pour lesquelles, pour devenir membre, il fallait prêter serment. Une de ces organisations était « Lituanie libre » (Laisvoji Lietuva), créée en 1958 à Vilnius par des élèves et qui comptait 30 membres, dont le but était de parvenir à l’indépendance de la Lituanie. Le KGB l’a démantelée en mars 1961 et les 5 membres les plus actifs ont été condamnés. Dans les écoles supérieures lituaniennes se réunissaient aussi des groupes clandestins qui distribuaient des tracts antisoviétiques. Un de ces groupes de jeunes qui luttait contre le système soviétique a été créé en 1965 par Jonas Volungevičius, étudiant au Conservatoire national de Lituanie. La particularité de ce groupe résidait dans l’écriture de lettres-tracts antisoviétiques distribuées aux étudiants en Lettonie et en Estonie. Ces tracts invitaient à une lutte commune pour l’indépendance des pays Baltes[3].

A cette période, on dénombrait à peu près 70 groupes de ce genre soit en tout à peu près 700 membres. Pendant toute la période de l’occupation soviétique, chaque 16 février  était constamment célébré : la veille, dans des lieux bien visibles on sortait les drapeaux tricolores lituaniens. 

Les jeunes de la Lituanie occupée célébraient chaque année la Toussaint. Ce jour-là, les étudiants et les élèves se rendaient sur les tombeaux des hommes de la Nation pour se remémorer leur contribution à la création de l’Etat lituanien. La nouvelle du soulèvement contre le gouvernement soviétique en octobre 1956 en Hongrie a fait resurgir les inclinaisons antisoviétiques des Lituaniens. Au début de novembre à Vilnius, dans le cimetière de Rasos, et à Kaunas, dans le vieux cimetière de la ville, les célébrations de la Toussaint se sont transformées en manifestations. Lors de ces manifestations en solidarité avec le peuple hongrois, on scandait les slogans : « Vive la Hongrie ! », « Vive l’Indépendance ! », « Dehors Moscou ! ». Les participants furent dispersés par les troupes des milices et de l’armée. Les participants les plus actifs ont quant à eux été arrêtés et certains condamnés. De nombreux participants ont été exclus des écoles supérieures. Les événements de la Toussaint 1956 en Lituanie ont attiré une attention internationale. La presse occidentale et les radios étrangères ont relaté les événements[4].

La résistance de la jeunesse contre le système soviétique a pris également des formes de protestations radicales et isolées : le 15 mai 1972, dans le square du Théâtre de musique de Kaunas, un jeune homme de 19 ans, Romas Kalanta, s’est immolé par le feu en criant : « Pour la Lituanie ». Il avait écrit dans son carnet : « Pourquoi continuer à vivre ? Pour que ce système me tue doucement et sans pitié ? C’est mieux si je le fais moi-même et en un seul coup… Ici, il n’y aura jamais de liberté. Ils ont même interdit le mot LIBERTE » (Archive personnelle d’Antanas Kalanta, le carnet de Romas Kalanta, photo de Romas Kalanta en 1972).

Le sacrifice de Romas Kalanta a bouleversé la ville, surtout les jeunes. Le pouvoir soviétique avec l’aide du KGB avança de deux heures l’enterrement prévu le 18 mai et contre la volonté de la famille, il fut enterré dans un autre endroit du cimetière de Romainiai. (Archive personnelle d’Antanas Kalanta, procession de l’enterrement de Romas Kalanta, 18/05/1972). Ceci fut exécuté dans le but d’empêcher de possibles agitations et la diffusion de l’information à l’étranger, or ceci a eu un effet contraire : les gens venus à l’enterrement furent consternés lorsqu’ils apprirent que Romas Kalanta avait déjà été enterré, ce fut une nouvelle étincelle qui entraina des manifestations de protestations pendant deux jours.

Les 18 et 19 mai, il y a eu lieu des manifestations de protestations massives de jeunes, où l’on scandait les slogans : « Vive la liberté ! Les occupants en dehors de la Lituanie ! » (Archive personnelle d’Antanas Kalanta, manifestation du « Printemps de Kaunas » (Kauno pavasaris) 18/05/1972). Il y eu des affrontements entre les participants et la milice : la milice attaqua les jeunes, les frappa, les tira dans les voitures, les participants se protégèrent en construisant des barricades, en renversant les voitures des milices et c’est seulement l’armée intérieure qui dispersa les manifestants. Sur plus de 3 000 participants (étudiants, élèves, travailleurs) 400 personnes ont été arrêtées, 50 d’entre-elles ont été condamnées administrativement, 10 personnes au pénal, et 8 personnes furent condamnées et incarcérées entre 1 et 3 ans[5].  Les manifestants ont montré publiquement leur volonté pour la Liberté et l’Indépendance. 

Les événements du « Printemps de Kaunas » ont eu un grand écho en Lituanie et à l’étranger. Ainsi, chaque année, de nombreux Lituaniens célèbrent le 15 mai. (Archive personnelle d’Antanas Kalanta, photo « Installation du monument avec l’inscription « Pour Romas Kalanta qui s’est sacrifié pour la Lituanie » sur les rives de la rivière Dubysa sur le chemin Kaunas-Klaipėda par les étudiants de Vilnius en juin 1972). Les Lituaniens vivant à l’étranger organisèrent aussi des commémorations à la mémoire de Romas Kalanta, ils ont érigé des monuments et publié des livres. (Archive personnelle d’Antanas Kalanta, photo « Commémoration -manifestation pour les 5 ans de la mort tragique de Romas Kalanta à Chicago le 15/05/1977 », photo « Monument pour Romas Kalanta dans le cimetière de Saint Casimir à Chicago le 14/05/1990).

C’est après la restitution de l’Indépendance de la Lituanie, le 27 décembre 1990, que le Gouvernement a publié une note sur la tombe de Romas Kalanta devenu monument historique et le 4 juillet 2000, Romas Kalanta a été décoré à titre posthume de l’ordre de 1er degré de la Croix de Vytis. En 2005, il a reçu le statut de combattant de la Liberté (Archive personnelle d’Antanas Kalanta, photo « A l’occasion de l’Indépendance de la Lituanie, le Président Valdas Adamkus décore Romas Kalanta (à titre posthume) de l’ordre de 1er degré de la Croix de Vytis » le 6 juillet 2000).

 

Le mouvement de l’Eglise catholique et les droits des croyants

La résistance de l’Eglise catholique face au régime soviétique s’est également développée. Tout s’est déclenché par la détérioration de la situation de l’Eglise au croisement des années cinquante et soixante : les conditions de vie de l’Eglise ont empiré, les prêtres ont été opprimés, l’entrée au Séminaire a été limitée, les prêtres subirent des répressions et il fut interdit de mettre des croix et de sonner les cloches des églises. En même temps, les droits des croyants étaient bafoués : interdiction de fréquenter l’Eglise pour la majeure partie des gens, insultes aux croyants et sanctions morales à leur égard. Une frustration croissante s’est développée chez les croyants et ils ont commencé à revendiquer leurs droits et ceux de l’Eglise pour lutter contre un athéisme grandissant. 

La résistance de l’Eglise catholique est devenue encore plus active entre 1965 et 1966 lorsque des rencontres secrètes entre prêtres de différents diocèses ont eu lieu. Les prêtres du diocèse de Vilkaviškis étaient extrêmement actifs, dont les prêtres Alfonsas Svarinskas, Sigitas Tamkevičius, Juozas Zdebskis, Konstantinas Ambrasas, Vaclovas Degutis, Albinas Deltuva, Gvidonas Dovidaitis, Petras Dumbliauskas, Vincentas Jalinskas, Lionginas Kunevičius, Jonas Maksvytis, Ignas Plioraitis, Pranciškus Račiūnas, Vaclovas Stakėnas, Juozas Žemaitis. Les rencontres étaient irrégulières mais avaient lieu à peu près chaque mois. Des rencontres entre prêtres ont été organisées dans d’autres diocèses : chez le chanoine Bronislovas Antanaitis, chez le prêtre Jonas Lauriūnas dans le diocèse de Panevėžys, chez le prêtre Algimantas Keinas dans le diocèse de Vilnius[6]. Lors de ces rencontres on discutait des problèmes de l’Eglise, de la politique anticléricale du régime soviétique, des pressions du pouvoir pour empêcher les prêtres à accomplir leur activité pastorale, des moyens de ne pas obéir aux instructions du pouvoir soviétique qui contredisaient le droit canon, catéchiser les enfants, participer aux fêtes patronales, et de l’interdiction d’écrire des doléances à l’Etat.

Entre 1968 et 1974, les prêtres lituaniens ont rédigé 21 pétitions collectives concernant la restriction de leur activité pastorale, le manque d’ouvrages religieux et l’augmentation des répressions. La protection des droits des croyants est ainsi devenue un mouvement à grande échelle en Lituanie dont la particularité résidait dans le fait que le mouvement utilisait uniquement des moyens légaux et publics, seul l’établissement des plans d’activité et de la collecte des signatures étaient secrets[7]. Il faut mentionner une pétition rédigée en 1972 à l’attention de Léonid Brejnev, secrétaire général du Comité central du Parti Communiste de l’Union soviétique, à propos de la restriction des droits des croyants et des prêtres condamnés pour la catéchisation des enfants. Elle fut signée par 17 000 catholiques lituaniens. Avec l’aide des dissidents russes, la pétition appelée « Mémorandum des 17 000 catholiques » est passée à l’Ouest et a soulevé une grande vague de protestation contre le régime soviétique. [8]

Le non-respect des lois soviétiques qui interdisaient à catéchiser les enfants était une confrontation ouverte avec le système. Concernant le non-respect de cette interdiction, 3 évêques entre 1958 et 1961 ont été exilés dans des paroisses éloignées sans droit d’exercer leur fonction d’évêque[9], et entre 1970 et 1971, les prêtres Prosperas Bubnys, Antanas Šeškevičius, Juozas Zdebskis furent condamnés.

Le mouvement Eucharistijos bičiulių sąjūdis (EBS) (Jeunes amis de l’Eucharistie) fut créé en 1969. En marge de ses activités religieuses, il organisait des discussions et des lectures sur des sujets patriotiques, participait à l’organisation de marches religieuses, participait activement dans les procès politiques, collectait des signatures pour des pétitions et des protestations. [10]

La confrontation avec le pouvoir soviétique s’est manifestée notamment entre 1970 et 1971 après la création du Séminaire clandestin des prêtres. Sa création fut déterminée pour plusieurs raisons. A cette époque en Lituanie, il n’existait qu’un seul Séminaire de prêtres à Kaunas, mais son activité fut restreinte avec une réduction drastique de séminaristes admis. Naturellement, si l’on regardait à long terme, il allait inévitablement manquer des prêtres pour remplacer la vieille génération et pour répondre aux besoins des croyants. En raison également des efforts permanents du KGB pour enrôler les futurs prêtres, peu de jeunes désirait entrer au séminaire. Le séminaire clandestin qui fut ouvert jusqu’en 1988/1989 a ainsi pu sanctifier 29 prêtres, mais ceux-ci ne pouvaient pas recevoir leurs certificats, ils ne pouvaient être que missionnaires. [11]

Le 13 novembre 1978, il fut créé le Tikinčiųjų teisėms ginti katalikų komitetas (TTGKK) (Comité pour la protection des droits des croyants) [12], qui n’avait pas d’objectifs politiques mais qui avait pour but, par le biais d’actions légales et politiques de protéger les droits constitutionnels de l’Eglise et de ses croyants. Il fut créé par les prêtres : Jonas Kauneckas, Alfonsas Svarinskas, Sigitas Tamkevičius, Vincentas Vėlavičius, Juozas Zdebskis. Les objectifs de ce Comité était d’attirer l’attention du pouvoir soviétique sur les discriminations de l’Eglise et des croyants, d’informer l’administration de l’Eglise et la société sur la vie des croyants en Lituanie et dans les autres républiques soviétiques, de faire en sorte que les lois soviétiques liées aux affaires de l’Eglise et des croyants ne soient pas en contradiction avec les accords internationaux de l’URSS[13]. Afin d’atteindre ces objectifs, le Comité occupait une place importante dans la lutte non armée pour l’indépendance de la Lituanie. Le régime soviétique chassa les membres du TTGKK entre 1982 et 1983 A. Svarinskas et S. Tamkevičius ont été arrêtés et les autres membres furent terrorisés. A partir de la fin de 1983 l’activité du TTGKK devint clandestine.

En 1972, fut créé la « Lietuvių Katalikų Bažnyčios Kronika » (LKBK) (La Chronique de l’Eglise Catholique en Lituanie), la revue la plus importante de la presse périodique clandestine. La création de la LKBK répondait au besoin de consigner et d’informer des restrictions exercées sur l’activité de l’Eglise, des persécutions et des violations des droits de l’homme afin de témoigner et d’en informer l’Occident. Cette revue ressemblait à celle publiée par des dissidents russes à Moscou en 1965 « Chronika tekuchtchich sobytij ». L’initiateur et le rédacteur-en-chef de la LKBK jusqu’à son arrestation était le prêtre Sigitas Tamkevičius, remplacé par la suite par le prêtre Jonas Boruta[14]. La LKBK était publiée en Lituanie et à l’aide de dissidents russe (Sergej Kovaliov, Aleksandr Lavut, Tatjana Velikanova) en Occident, où elle était réimprimée et diffusée. La LKBK est la seule revue clandestine en Lituanie qui fut traduite en plusieurs langues : 7 tomes ont été édités en anglais, 3 tomes en espagnol, 1 tome en portugais et en français. [15] Grâce aux ondes radiophoniques des radios étrangères, les informations de la LKBK parvenaient de nouveau en Lituanie. Les informations diffusées par la LKBK encourageaient les croyants à lutter pour l’indépendance de leur religion, leur liberté de conscience, à discipliner ceux qui voulaient collaborer et exaltaient les manifestations de nationalisme. Deux prêtres (A. Svarinskas, S. Tamkevičius), quatre sœurs (dont la sœur Nijolė Sadūnaitė, photo des archives personnelles de Felicija Nijolė Sadūnaitė « Sœur Felicija Nijolė Sadūnaitė en Sibérie près de l’hôpital, où elle travaillait en 1977-1980 »), 11 personnes laïques, dont les dissidents russes Sergej Kovaliov, Tatjana Velikanova, ont été arrêtées et condamnées pour la publication de la LKBK. Les persécutions du KGB, les arrestations, les camps et les déportations n’ont pas pu convaincre la foi profonde, le sens du devoir pour la Patrie et la liberté, la LKBK fut la revue clandestine qui fut éditée le plus longtemps sans interruption en URSS (le dernier numéro date du 19 mars 1989). 81 numéros ont été édités.

En 1975 à Helsinki fut signé l’Acte final de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. L’Union soviétique, même si elle signa le document, n’avait pas l’intention de respecter les articles concernant la protection des droits de l’homme, la libre diffusion de la presse et la libre circulation. Après la création du groupe Helsinki dans la ville de Moscou, groupe qui souhaitait contrôler le respect des engagements de l’URSS, d’autres organisations aux buts similaires se créèrent dans les autres républiques de l’URSS dont en Lituanie. Le 24 novembre 1976, le groupe Helsinki de Lituanie (GHL) fut créé par Viktoras Petkus, ancien prisonnier politique, le prêtre Karolis Garuckas, Eitanas Finkelšteinas, docteur en physique, Ona Lukauskaitė-Poškienė, poétesse et ancienne prisonnière politique et Tomas Venclova, poète. Le principal travail du GHL consistait à consigner toutes les violations des droits de l’homme et à les diffuser à l’Ouest ainsi qu’à préparer les documents. Jusqu’en 1981, le GHL a établi plus de 30 documents concernant les restrictions sur la liberté de consciences, l’activité des communautés religieuses, le droit de choisir son lieu d’habitation la liberté de circulation ainsi que sur les répressions contre le clergé, les violations de la liberté de conviction, les problèmes des prisonniers politiques, les violations du droits des nations, l’utilisation de la psychiatrique dans la répression politique. Le GHL avait décidé de mener ses travaux publiquement afin de montrer que son activité n’était pas dirigée contre le régime. Néanmoins, le KGB et le Parti communiste de Lituanie ont traité cette organisation publique comme une organisation antisoviétique : en 1977, Viktoras Petkus fut arrêté, et entre 1980 et 1981 les membres du GHL Algirdas Statkevičius, Mečislovas Jurevičius, Vytautas Vaičiūnas furent arrêtés à leur tour. En novembre de cette même année le prêtre Bronius Laurinavičius, membre de GHL est décédé dans un accident dans d’étranges conditions. [16]   

L’organisation la plus radicale de la résistance non armée fut Lietuvos laisvės lyga (LLL) (Ligue pour la liberté de la Lituanie), créée le 15 juin 1978. Antanas Terleckas fut activement lié à sa création. Le noyau de la LLL était composé des éditeurs de la revue « Laisvės Šauklys » : Julius Sasnauskas, Romualdas Ragaišis, Jonas Pratusevičius, Vytautas Bogušis, Andrius Tučkus etc. la LLL n’avait pas de structure stricte et fonctionnait illégalement : chacun établissant ses propres objectifs pouvait en devenir membre. Une des activités principales de la LLL était la revendication de l’annulation publique des protocoles secrets du pacte Molotov-Ribbentrop non reconnus par l’Union soviétique. [17] En 1979, les membres de la LLL ont rédigé « Un ultimatum moral pour le gouvernement de l’URSS », appellé « Le mémorandum de quarante-cinq Baltes ». Il a été adressé aux gouvernements de l’URSS, de la RFA, de la RDA, des pays signataires de la Chartre de l’Atlantique et au secrétaire général de l’ONU. Dans ce mémorandum signé par 35 lituaniens, 6 lettons, 4 estoniens et quelques russes dissidents, dont l’académicien Andrej Sacharov, étaient mentionnés tous les crimes commis par l’Union soviétiques sur les pays occupés. Ce mémorandum demandait l’annulation des accords du 23 août 1939 entre l’Union soviétique et l’Allemagne et les accords ultérieurs ainsi que les protocoles secrets et de restituer l’Indépendance à la Lituanie. [18]

L’activité de la LLL a attiré l’attention des structures de répressions et des arrestations ont suivi : entre 1979 et 1980 ont été arrête J. Sasnauskas, A. Statkevičius, A. Terleckas. L’activité de la LLL s’est arrêtée en 1987.

La modernisation et la démocratisation de l’Union soviétique, appelée perestroïka, ont débuté en 1985 lorsque Mikhaïl Gorbatchev arriva au pouvoir en URSS. En 1987, la plupart des dirigeants des organisations de la résistance non-armée sont revenus d’exil ou ont été libérés. Le 23 août 1987, lors de la célébration des 48 ans de la signature des protocoles secrets du pacte Molotov-Ribbentrop, la LLL a organisé une première manifestation publique non réprimée à Vilnius devant le monument d’Adam Mickiewicz. Cette manifestation avait pour but de condamner le pacte Molotov-Ribbentrop et d’annuler les protocoles secrets qui avaient déterminé l’occupation des pays baltes et d’exiger l’indépendance de la Lituanie. Cette manifestation fut un tournant dans la conscience de la plupart des Lituaniens, elle marqua le début du chemin vers Sąjūdis et l’Indépendance. Le principal mérite de la LLL fut d’exiger le droit à la liberté de la nation et le souhait de restituer l’Indépendance.

L’année soixante-dix fut une période importante de la résistance non-armée, pendant laquelle de nombreux groupes actifs se sont formés. La presse clandestine catholique, nationale libérale et culturelle occupaient alors la principale partie de leurs activités. Tout cela a contribué au renforcement des aspirations de liberté, de sauvegarde des valeurs, de formation des idées démocratiques et a ainsi abouti à la restitution de l’état. 

 

Les fuites à l’Ouest comme forme de résistance au régime soviétique

A la fin des années cinquante, en raison de répressions croissantes et d’une résistance au régime soviétique en perte de vitesse, des lituaniens ont commencé à réfléchir à la possibilité de s’enfuir d’Union soviétique. La tentative de fuite du 23 novembre 1970 a eu un grand écho dans le monde entier : lors d’une rencontre officielle entre un navire de l’Union soviétique, le « Tarybų Lietuva » et un bateau des garde-côtes des Etats-Unis, le « Vigilant », dans les eaux territoriales des Etats-Unis, Simas Kudirka, un lituanien, opérateur sur le bateau soviétique, a sauté dans le bateau américain et a demandé l’asile politique. Les américains l’ont rendu aux soviétiques, malgré qu’ils aient accédé à sa demande dans un premier temps. Cette action des officiers américains a entrainé un mécontentement massif  aux Etats-Unis. Les chaines de télévision ont diffusé des programmes spéciaux, certaines radios ont diffusé des annonces toutes les heures.

En décembre 1970, S. Kudirka a été arrêté et condamné à 10 ans de prison pour trahison à la Patrie. Il est probable qu’une grande attention des Etats-Unis ait entrainé une peine si douce et ait aidé au fait que S. Kudirka fut libéré dès 1974, en ayant la permission avec sa famille d’émigrer aux Etats-Unis. [19] 

Chaque tentative de la part des Lituaniens de s’enfuir d’Union Soviétique attirait l’attention du monde entier vers le pays occupé soulevant la question de l’occupation illégale et de l’annexion du pays.    



[1] Gaškaitė N., „Pasipriešinimo istorija 1944 – 1953 metai“, Vilnius, 2006, p. 40
[2] Paleckis J., Gedvilas M., Sniečkus A., „Į lietuvių tautą“, Tiesa, 1945,  Nr. 32, p. 1 - 2
[3] Ž. Račkauskaitė, Pasipriešinimas sovietiniam režimui Lietuvoje septintajame – aštuntajame dešimtmetyje,  Genocidas ir rezistencija, 1998, nr. 4, p. 60.
[4] K. Burinskaitė, Vengrijos sukilimo ir Prahos pavasario atgarsiai Lietuvoje, Lituanistica, 2009, t. 55, nr. 1–2 (77–78), p. 43.
[5] Ten pat, p. 71.
[6] „Lietuvos Katalikų Bažnyčios kronikos“ genezė ir KGB kova prieš ją: Lietuvos Katalikų Bažnyčios padėtis sovietmetyje, Lietuvos katalikų bažnyčios kronika, 1997, t. 11, d. I, p. 28.
[7] Lietuvos katalikų memorandumas, Lietuvos Katalikų Bažnyčios Kronika, 1974, t. 1, nr. 2, p. 74.
[8] Lietuvos katalikų memorandumas, Lietuvos Katalikų Bažnyčios Kronika, 1974, t. 1, nr. 2, p. 74–77.
[9] 1958 m. į Šeduvos parapiją ištremtas vysk. Teofilis Matulionis, 1959 m. į Nemunėlio Radviliškio parapiją ištremtas vysk. Vincentas Sladkevičius, 1961 m. į Žagarės parapiją ištremtas vysk. Julijonas Steponavičius. Žr. plačiau: „Lietuvos katalikų Bažnyčios kronikos“ genezė ir KGB kova prieš ją: Lietuvos Katalikų Bažnyčios padėtis sovietmetyje, Lietuvos katalikų bažnyčios kronika, 1997, t. 11, d. I, p. 21.
[10] R. Labanauskas, Eucharistijos bičiulių sąjūdžio ištakos ir raida 1969–1973 m., Genocidas ir rezistencija, 2003, nr. 1 (13), p. 101.
[11] Pogrindžio kunigų seminarija: XX a. aštuntojo dešimtmečio Lietuvos antisovietinio pogrindžio dokumentai, sud. J. Boruta, D. Ratkutė, Vilnius, 2002, p. 12–13.
[12] TTGKK nariais buvo kunigai: Alfonsas Svarinskas, Sigitas Tamkevičius, Juozas Zdebskis, Jonas Kauneckas, Vincentas Vėlavičius. Žr. plačiau: A. Liekis, Nenugalėtoji Lietuva, Vilnius, 1993, t. 2, p. 56.
[13] Tikinčiųjų Teisių Gynimo Katalikų Komiteto Kreipimasis. Žr. plačiau: A. Liekis, Nenugalėtoji Lietuva, Vilnius, 1993, t. 2, p. 55–56.
[14] Kun. J. Boruta SJ, Viešpatie, kokia malonė, kad leidai,  Lietuvos katalikų bažnyčios kronika, 1997, t. 11, d. III, p. 443-451.
[15] A. Ruzgas, Rezistentų pogrindiniai periodiniai leidiniai. okupacijų metai, 1940–1989: leidinių sąvadas, , Vilnius, 2010, p. 171–177.
[16] Ž. Račkauskaitė, Pasipriešinimas sovietiniam režimui Lietuvoje aštuntajame dešimtmetyje, Genocidas ir rezistencija, 1999, nr. 6, p. 103.
[17]Lietuvos Laisvės Lyga: nuo „Laisvės Šauklio“ iki nepriklausomybės, sud. G. Šidlauskas, Vilnius, 2004, kn. 1, p. 12
[18] Lietuvos Laisvės Lyga: nuo „Laisvės Šauklio“ iki nepriklausomybės, sud. G. Šidlauskas, Vilnius, 2004, kn. 1, p. 403.
[19] A. Fabijonavičiūtė, Lietuvių gyventojų pabėgimai ir mėginimai ištrūkti iš Sovietų Sąjungos, Genocidas ir rezistencija, 2001, nr. 10, p. 154.  

 

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